Skip to main content

L’épopée de Cluster: comprendre les conséquences des forces électromagnétiques à l'échelle planétaire

2020-10-16

Cluster est l'une des rares missions spatiales à être plus âgée que 22% de la population belge. Célébrant son 20e anniversaire cette année, elle collecte des données sur la magnétosphère terrestre depuis son lancement. Cette surveillance continue présente un intérêt particulier pour les chercheurs, car elle permet d’étudier les processus à long terme dans la magnétosphère terrestre et la manière dont ils dépendent de la variabilité du Soleil. Certains de nos scientifiques de l’IASB ont fait bon usage de ces données pour étudier la turbulence du plasma autour de la Terre, pour comparer les propriétés magnétiques de la Terre avec celles d'autres planètes, pour développer des modèles informatiques de magnétosphères planétaires et même pour étudier des types particuliers d'aurores polaires.

Initialement, la mission Cluster ne devait durer que deux ans, mais sa durée de vie n’a cessé de s'allonger grâce à son excellente ingénierie et à ses engins spatiaux hautement automatisés. La fin de la mission est actuellement fixée à 2022, mais elle pourrait encore être prolongée si ses satellites continuent de collecter des données de haute qualité et s'il reste suffisamment de carburant et de batterie. Plus de 3000 publications scientifiques ont pu utiliser les données Cluster pour révéler toujours plus d'informations sur la forme et la structure de la magnétosphère terrestre, ainsi que sur la façon dont elle interagit avec les particules chargées du vent solaire.

Dans cet article, nous allons vous faire découvrir quelques éléments que nos scientifiques ont appris en utilisant les données de la mission Cluster :

  1. Aurore Thèta, quand les lumières polaires apparaissent dans des endroits inattendus
  2. La relation entre la plasmasphère et les ceintures de radiation de Van Allen
  3. Comparer la magnétosphère de la Terre à celle d’autres planètes et corps du système solaire
  4. La turbulence dans les plasmas du système solaire

Mais d’abord…

 

Champ magnétique terrestre et magnétosphère

Le champ magnétique terrestre est le résultat de la structure interne de la Terre : son noyau de métal liquide en rotation agit comme une dynamo qui génère un champ magnétique. La magnétosphère est, quant à elle, toute la région de l'espace autour de la Terre dans laquelle le mouvement des particules chargées électriquement est contrôlé par le champ magnétique terrestre. Plus particulièrement, les particules provenant du Soleil (sous la forme du « vent solaire ») peuvent être bloquées, piégées, déviées ou fortement accélérées, l'effet le plus connu de cette accélération étant l'aurore polaire. Le champ magnétique piège aussi les « rayons cosmiques », des particules chargées avec des énergies beaucoup plus élevées, qui proviennent du soleil, de notre galaxie, ou des sources encore plus lointaines.

Earth mangetosphere structure
Figure 3 : Structure de la magnétosphere terrestre. Crédit: ESA/C.T. Russell.

Le champ magnétique généré en interne par la Terre agit ainsi comme un bouclier protecteur contre les particules de haute énergie, qui pourraient autrement endommager les composés électroniques sur Terre mais aussi nuire à toutes formes de vie sur Terre. La magnétosphère est la région protégée de l'espace près de la Terre. Elle a une structure complexe (voir figure 3), avec l’onde de choc (bow shock) où le vent solaire rencontre pour la première fois l'obstacle terrestre, la gaine magnétique (magnetosheath) où les particules sont considérablement ralenties par l’onde de choc, et la magnétopause, la frontière externe de la magnétosphère à travers laquelle seules quelques particules du vent solaire peuvent passer. Les interactions qui s'ensuivent dans chacune de ces régions sont très complexes, et la structure elle-même est très dynamique. Malgré le fait que Cluster vient de souffler ses vingt bougies, il reste encore beaucoup de recherches à faire pour comprendre pleinement le comportement de la magnétosphère terrestre.

Cela nous amène à nous poser cette question : qu’avons-nous appris des observations de Cluster? Plusieurs physiciens de l’IASB ont été impliqués dans des projets de recherche utilisant des données de Cluster, pour démêler certaines des conséquences de la force électromagnétique à l'échelle planétaire.

 

L’avantage de quatre contre un

La mission Cluster est remarquable parce qu’elle se compose en fait de quatre satellites identiques aux noms ludiques : Rumba, Salsa, Samba et Tango. Ils ont été lancés par des fusées russes Soyouz depuis la base de lancement de Baïkonour au Kazakhstan, par paires : les deux premiers le 16 juillet 2000, et les deux autres quelques semaines plus tard, le 9 août. Ces quadruplés comportent un ensemble identique de onze instruments qui mesurent les particules chargées et les champs électriques et magnétiques. Chaque satellite évolue dans une formation quasi tétraédrique (en forme de pyramide) le long d'une orbite elliptique polaire, se rapprochant de la Terre jusqu'à 19 000 km et s’en éloignant jusqu’à 119 000 km.

Être capable de manipuler quatre entités distinctes et les distances entre elles est un avantage évident, car cela signifie que les opérateurs peuvent collecter des données qu'il serait impossible d'obtenir avec un seul satellite. Cependant, les techniques nécessaires pour profiter pleinement de la capacité de quatre satellites n’étaient pas si évidentes au départ.

Johan De Keyser, physicien spatial à l’IASB, explique :

Il a fallu du temps aux scientifiques pour comprendre tous les avantages d'avoir des mesures à partir de quatre points distincts dans l'espace. Des outils et des logiciels numériques ont dû être développés pour extraire le maximum d'informations », explique Johan De Keyser, physicien spatial à l’IASB. « À l'Institut royal d'Aéronomie Spatiale de Belgique, nous avons développé deux techniques: l'une est très générale et permet de calculer le gradient d'une grandeur mesurée par les 4 satellites (méthode des moindres carrés), et l’autre qui est très spécifique et permet de tracer la position de la magnétopause en continu pendant plusieurs heures (reconstruction empirique de la magnétopause et de sa couche limite).

 

 

Aurore Thêta, quand les lumières polaires apparaissent dans des endroits inattendus

Theta aurora satellite image
Figure 4: Aurore Thêta telle qu’observée par
la cméra FUV du satellite de la NASA,
IMAGE le 15 Septembre 2005 et analysée à
l’aide des données Cluster par Fear et al.
(2014).
Crédit: NASA/R. Fear et al. (2014)

Les aurores apparaissent généralement sous une forme ovale qui encerclent les régions polaires. Bien qu'il ne soit pas complètement compris, ce phénomène a été largement étudié. Pour le dire simplement, les particules du vent solaire induisent des champs électriques dans la magnétosphère qui accélèrent les particules magnétosphériques le long des lignes de champ magnétique, jusqu'à ce qu'elles bombardent l'atmosphère terrestre autour de ces ovales. Les atomes de l'atmosphère sont excités par ces collisions et commencent à briller sous une forme de rideaux ondulés qui peuvent être très lumineux dans le ciel nocturne.

Parfois, quelque chose de différent se produit avec les aurores. Au lieu de former un simple ovale, un « arc transpolaire » supplémentaire traverse le milieu dans une forme ressemblant à la lettre grecque « thêta » (voir figure 4), d'où ce type d'aurore tire son nom. Il a été observé pour la première fois dans les années 80, et les scientifiques tentent depuis de comprendre ce qui cause cette forme.

En utilisant simultanément les satellites Cluster de l'ESA et le vaisseau spatial IMAGE de la NASA, une équipe de chercheurs coordonnée par le physicien de l’IASB Romain Maggiolo et dirigée par Rob Fear (Université de Leicester) ont trouvé des preuves pour avancer une explication. Dans leur article publié dans Science en 2014, ils ont proposé la réponse suivante: la formation d'un arc transpolaire traversant le pôle - rendant l'aurore visible là où elle ne devrait pas l’être - est liée à la présence de particules chargées chaudes dans le coté nuit de la magnétosphère (voir figure 3) où l'on trouve normalement de la matière froide.

Mais avant de poursuivre cette histoire, nous devons vous mettre à jour sur quelques faits sur les champs magnétiques :

  1. Les lignes de champ magnétique fermées sont connectées à la Terre aux deux extrémités, formant une boucle fermée. Du plasma chaud peut rester piégée longtemps sur ces lignes de champ. L’ovale auroral est connecté à des lignes de champ magnétique fermées.
  2. Les lignes de champ magnétique ouvertes ont une extrémité connectée aux régions polaires de la Terre et l'autre à l'espace interplanétaire. Les particules sur les lignes de champ ouvertes fuient ainsi dans l'espace.
  3. Les lignes de champ ouvertes dans la magnétosphère ont tendance à se reconnecter pour former des lignes de champ fermées. Si on les laissait seules, de plus en plus de lignes de champ fermées se formeraient et les ovales auroraux s’étendraient vers des latitudes plus élevées alors que les régions polaires connectées à des lignes de champ ouvertes rétréciraient.
  4. Deux champs magnétiques peuvent se reconnecter s'ils sont orientés dans la direction opposée.

 

Maintenant que vous connaissez ces quatre règles de base, continuons.

Le champ magnétique interplanétaire (IMF, « Interplanetary Magnetic Field ») est le champ magnétique porté par le vent solaire (car les particules sont chargées électriquement, et l'électricité va toujours de pair avec le magnétisme). Lorsqu'il voyage avec le vent solaire, il entre en contact avec la magnétosphère terrestre sur le côté jour (la région de la magnétosphère située entre le Soleil et la Terre) où les lignes de champ magnétique de la Terre pointent vers le nord.

Une aurore normale de forme ovale se forme lorsque l’IMF pointe vers le sud. Étant donné que les champs magnétiques opposés peuvent se reconnecter (règle 4), les lignes de champ de la Terre « se briseront » et s'ouvriront pour se reconnecter avec l’IMF. Cette ouverture des lignes de champ est ce qui contrecarre la tendance des lignes de champ ouvertes à se fermer (règle 3). Les lignes fermées ne peuvent pas se superposer et se déplacer vers des latitudes plus élevées. L'aurore n'est donc visible que vers 60 ° à 75 ° de latitude.

Southward IMF
Figure 5 :
1) Le champ magnétique interplanétaire (IMF) se reconnecte avec les lignes du champ magnétosphérique
2) et 3) Il crée des lignes de champ ouvertes qui sont transportées vers le côté nuit (ici de "l'avant" vers "l'arrière")
4) Les lignes de champ ouvertes se reconnectent et se ferment
5) Une nouvelle ligne de champ fermée est formée
Crédit : Dylan Leivers

Romain nous explique pourquoi les aurores thêta se forment parfois :

Les aurores thêta sont formées par piégeage de particules chargées chaudes dans les lobes magnétosphériques. Les lignes de champ magnétique ouvertes des lobes magnétosphériques (une de l'hémisphère nord, une de l'hémisphère sud) se reconnectent pour former une ligne de champ fermée où les particules énergétique sont piégées (règle 1). Cela se produit tout le temps dans la queue de la magnétosphère (la partie nocturne de la magnétosphère).
Pour un IMF vers le sud, de nouvelles lignes de champ ouvertes sont créées en même temps, il existe donc une sorte d'équilibre entre la création et la destruction de lignes de champ fermées et l'ovale auroral garde sa forme. Pour un IMF vers le nord, aucune ligne de champ ouverte n'est créée. La quantité de lignes de champ fermées augmente et la région des lignes de champ fermées (l'ovale auroral) s'étend vers des latitudes plus élevées. En fait, les lignes de champ se ferment de préférence sur le côté nuit de l'ovale. Un groupe de lignes de champ fermées sort alors du côté nuit de l'ovale auroral vers les pôles, jusqu'à atteindre le côté jour. C'est ainsi qu'il forme une figure ressemblant à un thêta.

Northward IMF
Figure 6 :
1) La reconnexion au côté jour étant impossible, aucune ligne de champ ouverte n'est créée
2) Mais la reconnexion au côté nuit se fait toujours
3) Des lignes de champ fermées se forment, elles s'accumulent et remplissent les régions de haute latitude
Crédit : Dylan Leivers
THeta aurora plot
Figure 7 : Le graphique montre la géométrie d'une couche de lignes de champ magnétique fermées s'étendant vers les hautes latitudes, associée à une aurore thêta telle que déterminée à partir d'observations conjuguées par les satellites Cluster et TIMED. La sphère noire représente la Terre, le périmètre gris la magnétopause et la ligne verte l'orbite de Cluster, tandis que l'axe X est orienté vers le Soleil. La surface orange est la projection d'une aurore thêta imagée par le satellite TIMED tandis que la ligne orange correspond à la région où Cluster a traversé une région de plasma énergétique piégé à haute latitude.
(Source de l'image: Maggiolo et al. 2012.)

 

 

La relation entre la plasmasphère et les ceintures de radiations de Van Allen

Van Allen radiation belts
Figure 8: La plasmasphère (en bleu) et les deux
ceintures de radiation de Van Allen (en rouge) se
chevauchent à différents endroits dans différentes
situations. La plasmasphère peut s'étendre au-delà
de la ceinture externe de Van Allen en période de
faible activité géomagnétique (panneau supérieur) et
se rétrécit à l'intérieur de la ceinture externe en
période d'activité géomagnétique élevée (panneau
inférieur).
Crédit: ESA - C. Carreau

Il existe deux autres constituants de la magnétosphère que nous n’avons pas encore mentionnés: la plasmasphère et les ceintures de radiations de Van Allen. En 2013, le physicien de l’IASB Fabien Darrouzet a dirigé une équipe de scientifiques - dont Viviane Pierrard et Johan De Keyser, tous deux de l’IASB aussi - afin de publier un article dans le « Journal of Geophysical Research » sur la relation entre ces deux entités, en utilisant les données de Cluster.

La plasmasphère est la partie la plus interne de la magnétosphère. C’est une région en forme d’anneau entourant la Terre à hauteur de l’équateur, composée de particules chargées à faible énergie (ou plasma froid) qui tournent avec la Terre. Les ceintures de radiations de Van Allen sont deux régions distinctes où les particules de haute énergie provenant du vent solaire sont piégées. Cependant, ce ne sont pas des régions statiques. Leurs frontières fluctuent fortement sous l'influence de l'activité géomagnétique, causée par l'activité solaire.

Le Soleil varie selon un cycle de 11 ans, avec des minima et maxima solaires. Pendant le minimum solaire, le Soleil émet moins de particules et le champ magnétique terrestre est moins perturbé, moins dynamique. Il s'agit d'une période de faible activité géomagnétique, permettant à davantage de particules de la couche atmosphérique supérieure de la Terre (l'ionosphère) de s'infiltrer dans la plasmasphère, ce qui la fait s'étendre, même au-delà de la ceinture externe de Van Allen.

Les ceintures de Van Allen semblent également être influencées par l'activité géomagnétique. La région du « sillon » - l'espace entre les deux ceintures principales (voir figure 6) - s'est élargie pendant les périodes de faible activité géomagnétique, en raison de la perte de particules dans l’atmosphère.

Encore une fois, il est important de savoir comment ces différentes parties de la magnétosphère se comportent dans différentes circonstances si nous voulons envoyer en toute sécurité des appareils électroniques et des organismes vivants, comme les humains, dans l'espace.

 

 

 

Comparer la Terre à d’autres planètes et corps du système solaire

En 2011, le physicien de l'IASB Marius Echim a dirigé une équipe - comprenant Johan De Keyser et Romain Maggiolo - pour publier un article dans le journal « Planetary and Space Science », dans lequel ils comparaient la magnétopause de la Terre (la couche limite de la magnétosphère - voir figure 3) à celle de Vénus en utilisant des données recueillies à partir de 2 missions spatiales distantes de 88 millions de kilomètres, Venus Express et Cluster et ceci simultanément, le 27 juin 2006.

Marius explique :

Nous avons choisi ce jour parce que nous savions que les satellites traversaient les magnétopauses des planètes en même temps et que les conditions étaient comparables. Nous avons pu comparer les deux magnétopauses, y compris leur épaisseur et la densité du courant électrique en elles. Bien qu'elle soit très similaire à notre planète, Vénus a des propriétés électromagnétiques assez différentes: sa vitesse de rotation est beaucoup plus lente (et elle tourne dans le sens opposé à toutes les autres planètes, bien que cela n'ait pas d'influence directe). La vitesse de rotation est insuffisante pour générer un champ magnétique intrinsèque, et donc Vénus n'a qu'une magnétosphère induite, créée à partir de l'interaction entre le vent solaire et la propre atmosphère de la planète.

L'équipe avait développé un modèle mathématique de la structure de la magnétopause, et a eu l'occasion de l'appliquer aux données de Venus Express pour la première fois. Les résultats de ces mesures semblent correspondre aux attentes. La magnétopause de Vénus est plus étroite que celle de la Terre et est principalement remplie de particules provenant du vent solaire et peu de sa propre atmosphère, tandis que la magnétopause de la Terre est dominée par son propre plasma planétaire et son champ magnétique.

Marius :

L'étude comparative des environnements de plasma planétaire contribue à une meilleure compréhension des principes généraux qui régissent la configuration et la dynamique magnétosphérique, en particulier le rôle des particules provenant du vent solaire et de l’environnement planétaire.

 

 

La turbulence dans les plasmas du système solaire

Plasma turbulence
Figure 9: Simulation de la turbulence du plasma du vent solaire.
Crédit: ESA

L'environnement spatial varie constamment. Par exemple, la vitesse du vent solaire fluctue toujours - des minuscules variations de la vitesse de quelques km/s se produisent en quelques secondes, des changements de plus de 100 km/s se produisent souvent sur des heures ou des jours, mais parfois de tels changements importants surviennent aussi en quelques secondes. Pourtant, ces fluctuations ne sont pas complètement aléatoires. Elles reflètent des processus physiques sous-jacents.

Une manière particulière d'essayer de comprendre des phénomènes compliqués dans les fluides ou les gaz ou les plasmas est précisément d'étudier ces fluctuations de manière globale, plutôt que d'essayer de suivre toutes les particules individuelles du plasma. Prenons un exemple que tout le monde connaît : votre tasse de café, au milieu de laquelle vous ne versez que quelques gouttes de lait. Remuez le mélange et vous voyez que les premiers grands tourbillons se forment, qui se décomposent progressivement en tourbillons de plus en plus petits, et finalement le lait se mélange dans votre café à l'échelle microscopique. C'est précisément ce qui se passe dans les plasmas spatiaux. Par exemple, lorsque le choc d'une grande éruption solaire se propage comme un phénomène à grande échelle à travers le vent solaire, il devient progressivement plus faible et plus diffus à mesure que l'énergie représentée dans la structure à grande échelle est transmise par la création de structures à plus petites échelles.

Mesurer le nombre, la taille et la fréquence des structures à chaque échelle dans le milieu s'appelle l’« analyse de la turbulence ». Une telle analyse peut fournir des informations concernant la redistribution d'énergie dans le plasma, les mécanismes par lesquels l'énergie est redistribuée à des échelles plus petites et les échelles auxquelles le comportement du plasma change (dans les plasmas, il y a plusieurs échelles qui jouent un rôle, contrairement à l’exemple de la tasse à café mentionné ci-dessus).

Au cours du projet STORM (Solar system plasma Turbulence: Observations, inteRmittency and Multifractals, 2013 à 2015), coordonné par Marius Echim, de vastes quantités de données provenant de nombreuses missions spatiales différentes (Giotto, Ulysses, Rosetta, Cluster et Venus Express, Cassini, Mars Global Surveyor et THEMIS) ont été traitées pour caractériser la turbulence du plasma dans différentes régions de l'espace.

Marius Echim à propos de STORM :

Dans ce projet, nous avons donné à Cluster une nouvelle dimension en intégrant la mission dans un observatoire virtuel du système solaire, constitué de satellites répartis dans tout le système : Ulysses dans le vent solaire, Vénus Express pour Vénus, Cassini près de Saturne ...
Les données de Cluster nous ont plus précisément aidés à découvrir un vent solaire turbulent à proximité de la Terre et comment cette turbulence « secoue » l'environnement terrestre. Grâce au projet STORM, nous avons réalisé une étude sur des dizaines de milliers d'heures de données et produit des milliers d'analyses de données scientifiques, regroupées dans une base de données organisée par notre institut.
Nous sommes même allés plus loin et avons créé les outils pour analyser les données de Cluster, et partagé ces outils avec l'ensemble de la communauté des sciences spatiales. Une découverte clé de STORM révélée par l'analyse des données de Cluster était que le plasma terrestre est beaucoup plus variable qu'on ne le pensait à l'origine, et qu’il a des propriétés différentes par rapport aux autres planètes du système solaire. Nous avons également découvert que cette variabilité est si complexe qu'elle échappe aux efforts de modélisation et de compréhension.

Le point de vue de Cluster

Notre connaissance de la magnétosphère terrestre et de celle d’autres corps célestes s’est considérablement élargie, en grande partie grâce aux informations que les quatre satellites Cluster - Rumba, Salsa, Samba et Tango - ont rassemblées tout au long des 20 dernières années. Nous en avons appris davantage sur la structure et la dynamique de la magnétosphère, ses interactions avec l'atmosphère terrestre d’un côté et avec le vent solaire de l’autre côté, et le comportement des plasmas spatiaux en général.

Cette connaissance, en plus d'être d'une complexité fascinante, est cruciale pour nos modes de vie modernes, avec notre dépendance aux satellites pour notre technologie et notre soif d'explorer davantage l'espace. Nous devons être en mesure de prédire comment la magnétosphère et tous ses constituants se comportent si nous voulons garder les satellites et les astronautes en orbite autour de la Terre ou d'autres planètes à l'abri des effets nocifs du vent solaire, des éruptions solaires, des éjections de masse coronale et du rayonnement cosmique.

 

Sources et lectures complémentaires

News image 1
News image legend 1
Figure 1: Représentation artistique de la magnétosphère de la Terre.
Crédit: NASA
News image 2
News image legend 2
Figure 2: Intégration des satellites de la mission Cluster.