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Développement de l'instrument SEMPAS pour la surveillance des émissions polluantes des navires en Mer du Nord

2023-07-26

L’Institut royal d'Aéronomie Spatiale de Belgique travaille actuellement sur un système optique innovant qui permettra de déterminer les concentrations des polluants contenant du soufre et de l'azote, ainsi que du CO2 dans les panaches de fumée des navires, et ce, dans un rayon d'environ 5 km autour de l'instrument de mesure. Les capteurs SEMPAS (abréviation de « Ship Emission Monitoring by Passive Absorption Spectroscopy ») seront placés dans le parc éolien situé dans la partie sud de la mer du Nord belge, à proximité des principales voies de navigation, et devraient permettre de contrôler le respect par les navires des limites fixées pour la teneur en soufre de leur carburant. En ce qui concerne les émissions d'azote, ces mesures serviront à élaborer des réglementations internationales afin de pouvoir les limiter. Ceci est essentiel dans la lutte contre la pollution de l'air et le changement climatique.

Visuele voorstelling van de opstelling van het SEMPAS-instrument aan de Belgische kust.
Représentation visuelle de la disposition de l'instrument SEMPAS sur la côte belge.

Emissions des navires dans la Mer du Nord

La combustion de combustibles fossiles dans le transport maritime représente environ 2,5 % des émissions polluantes mondiales, ce qui entraîne des dommages environnementaux considérables. Les émissions des navires ont un impact non seulement sur le climat, mais aussi sur la qualité de l'air et, par conséquent, sur la santé publique dans les zones côtières.

En outre, quelque 200 000 navires traversent chaque année la partie belge de la mer du Nord, émettant dans l'environnement marin et les zones côtières souvent densément peuplées, outre le CO2, un certain nombre de polluants tels que le soufre, l'azote, les fines particules et les particules de suie. Ces substances peuvent provoquer des problèmes respiratoires, des irritations oculaires, des problèmes pulmonaires et même des décès prématurés.

Dans l'annexe VI de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL), qui prévoit une réduction progressive des émissions de soufre, de particules et d'azote provenant des navires, l'Organisation maritime internationale (OMI) a également défini des zones de contrôle des faibles émissions (Emission Control Area, ECA) appliquant des limites encore plus strictes pour les polluants atmosphériques, et ce, afin de réduire davantage la pollution atmosphérique provenant des navires. Ces zones ECA existent à la fois pour les émissions de soufre - alors appelées SECA (Sulphur Emission Control Area) - et pour les émissions d'azote (Nitrogen Emission Control Area). Dans la zone de la mer du Nord et de la Manche, il existe des normes strictes concernant la teneur en soufre des combustibles marins. Ces normes sont également en cours d'élaboration au niveau international pour les émissions d'azote provenant des moteurs des navires.

Programme belge d'observations aériennes au-dessus de la mer du Nord

Bien que les principales routes maritimes soient clairement visibles dans les mesures par satellite de l'azote dans le monde, la résolution spatiale n'est pas suffisante pour distinguer les émissions d'azote des navires individuels dans la mer du Nord. En outre, les émissions de dioxyde de soufre des navires de haute mer ne peuvent pas être détectées depuis l'espace.

Depuis 2015 (pour le soufre) et 2021 (pour l'azote), le respect de ces directives est contrôlé à l'aide d'un capteur renifleur embarqué à bord d'un avion des garde-côtes belges, dirigé par l'équipe SURV de l'Institut royal des sciences naturelles de Belgique (IRSN). Cet avion survole le panache d'émission de navires en mer pour prendre des mesures sur place. A partir de ces mesures, le capteur permet de déduire la teneur en soufre du carburant et de mesurer la teneur en oxyde d'azote des émissions. Il s'agit d'un outil important dans la lutte contre la pollution de l'air.

L’Institut royal d'Aéronomie Spatiale de Belgique (IASB) a plus de 20 ans d'expérience en matière de télédétection de l'atmosphère, tant dans le spectre UV-visible que dans l'infrarouge, et il contribue depuis des décennies aux réseaux et infrastructures de mesure internationaux tels que le NDACC et, plus récemment, l'ACTRIS. L'idée est donc rapidement venue de développer un système complémentaire aux mesures atmosphériques en utilisant la télédétection pour détecter le soufre, l'azote et le CO2 émis dans les panaches de fumée des navires. Ces mesures peuvent compléter les mesures aériennes pour ainsi mieux surveiller, depuis les airs, des navires spécifiques qui semblent excéder les normes autorisées.

L'instrument SEMPAS

Sur demande du ministre de la Mer du Nord Vincent Van Quickenborne, l’IASB travaille actuellement sur un système innovant permettant de mesurer les émissions des navires. L'instrument SEMPAS est basé sur une technique de télédétection qui analyse le rayonnement solaire et thermique ayant traversé les panaches de fumée de navires. L'absorption des rayons lumineux à des longueurs d'onde spécifiques par les polluants présents dans les panaches de fumée permet de déterminer leurs concentrations dans un rayon de 5 km autour de l'instrument.

L’instrument SEMPAS est composé de deux spectromètres. L'un des canaux est optimisé pour mesurer le soufre et l'azote dans les UV visibles contenus dans la lumière solaire, tandis que l'autre canal mesure un spectre dans l'infrarouge thermique pour la détection du soufre et du CO2. Les deux télescopes seront actionnés par un système commun lors des mesures.

Les télescopes seront montés sur un pointeur solaire compact de dernière génération, développé par l’IASB, pour pouvoir effectuer un suivi actif des navires. Une fenêtre en germanium protègera le télescope du canal infrarouge contre les éclaboussures de la mer, l'humidité et le sel.

Campagnes d'essais avant la mise en service finale de l’instrument

La phase de test est actuellement encore en cours. Des mesures d'essai sur des cheminées industrielles statiques dans le port d'Anvers entre janvier et mai 2023 ont permis à l’IASB de se familiariser avec l'instrument, d'optimiser les paramètres de mesure et d'aligner le télescope. Ces mesures ont clairement révélé les caractéristiques spectrales du soufre et de l'azote. Des premiers tests ont également été effectués pour mesurer les émissions des navires passant près de Cadzand en utilisant la composante infrarouge de l’instrument SEMPAS.

Les campagnes ont permis d'obtenir un grand nombre de mesures qui peuvent maintenant être utilisées pour optimiser les algorithmes nécessaires. Cela permettra ensuite de déterminer les profils de concentration de polluants à partir des données brutes. L'équipe SEMPAS de l’IASB travaille également sur les algorithmes qui devraient permettre le suivi des navires.

Entre-temps, la conception de l'instrument est entièrement optimisée afin que le boîtier extérieur puisse également résister aux éléments naturels de la mer. 

Testcampagne in de haven van Antwerpen
Campagne d'essais dans le port d'Anvers. Copyright: IASB

Installation début 2024

Aujourd'hui, le ministre Van Quickenborne s’est rendu à l’IASB, où les préparatifs de l'instrument SEMPAS battent leur plein.

Il est prévu de l’installer début 2024 dans un parc éolien afin de pouvoir surveiller en permanence les voies maritimes situées à proximité, dans la partie belge de la mer du Nord.

L'instrument pourra surveiller les émissions d'environ 30 cargos par jour. Les observations seront introduites dans une base de données internationale appelée Thetis-EU et compléteront les vols de surveillance effectués par les avions renifleurs de l’IRSN.

Vincent Van Quickenborne, ministre de la Mer du Nord : 

Un nouvel accord sur le climat a récemment été conclu au sein de l'OMI afin que le secteur du transport maritime s'oriente vers des émissions nettes nulles de gaz à effet de serre d'ici 2050. Grâce à l'avion renifleur, notre pays vérifie déjà aujourd'hui qu'un grand nombre des 200 000 navires qui traversent nos eaux chaque année n'émettent pas trop de soufre ou d'azote. Pour ce faire, ils survolent les panaches d'émission des navires. Ce système est unique au monde, mais nous sommes loin de pouvoir contrôler tous les navires de cette manière. C'est pourquoi nous voulons continuer à innover et à développer de nouvelles techniques. Grâce à ce capteur, nous serons bientôt en mesure de contrôler 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 les navires qui se dirigent vers nos ports. Au printemps 2024, nous voulons faire un premier test sur le parc éolien de Mermaid. Encore une fois, notre pays montre qu'il dispose d'entreprises innovantes et d'excellents scientifiques jouant un rôle de pionnier dans la lutte contre le changement climatique.

L’IASB développe l'instrument SEMPAS en étroite collaboration avec la DG Navigation et l'Institut royal des sciences naturelles de Belgique, grâce au financement du fonds de compensation environnementale de la DG Environnement et la Loterie nationale.

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Un navire manœuvre à la sortie du port Saint Louis du Rhône, près de Marseille. Credits: Roberto Venturini, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons.
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Le spectromètre infrarouge de l'instrument SEMPAS avec télescope et viseur. Credits: BIRA-IASB.